mercredi, mai 27, 2015

Tim BUCKLEY : Starsailor



Sublime, effrayant de solitude, jusqu'au bout des limites, éternel, de l'autre côté du monde...

"Bye bye baby..."


CHRONIQUE DE JACQUES VASSAL MAGAZINE ROCK&FOLK MAI 1979 N°148 Page 70
6° Album 1970 33T Réf : Straight Pathé Marconi 2C 062-92.094 ou Warner WS 1881 us

Ce "Marin d'étoiles" est (et, aux yeux de beaucoup, restera) le sommet de l'audace créatrice de Tim Buckley. C'est l'époque de la folie
"Zappiano-beefheartienne" chez Straight, et le chanteur a pu être stimulé en partie grâce au contexte de la maison. Pour la première fois dans un disque de Tim apparaissent des parties de trompettes et saxes (tenues très free par deux des Mothers) et le disque est en dérive, en dérapage constant aux confins du free-jazz, de la free-music façon "Trout Mask Replica" ou "Hors Rats", et de la musique contemporaine européenne (Berio, Nono) avec cette incroyable déstructuration/décomposition de la voix et du cri élevé au rang d'instrument de la musique-vedette (la fin de Monterey). Sauf deux titres qui permettront à l'auditeur abasourdi de souffler un peu ("Moulin Rouge", rengaine dérisoirement moqueuse, chantée en moitié en français, et l'onirique "Song to the siren", avec un travail de studio invraisemblable pour évoquer - ? - des cris de sirène), ce disque est de l'anti-chanson, ou si l'on préfère de l'in chanson, dispensateur de l'un des climats les plus dérangeants, à la limite de l'insoutenable, jamais gravés sur un disque de musique dite "pop" - ce qui, bien entendu, ne veut plus rien dire ici. Pour "Starsailor" (la chanson), voici les indications inscrites sur la partition, de la main du chanteur lui-même:
"Structure harmonique : une série de lignes vocales horizontales est improvisée dans trois gammes au moins, dont l'effet vertical consiste en regroupements de timbres atonaux et en contrepoint arythmique. Interprétation : la mélodie écrite doit être chantée, après quoi les vers du texte doivent être réagencés à volonté et chantés sur une mélodie improvisée, en profitant de l'occasion pour des quarts de ton, une tenue fluide des notes, et un tempo variable." Et Tim Buckley, dont le niveau de connaissances techniques musicales apparaît ici avec éclat, a chanté "Starsailor" exactement dans le respect de ses propres directives. John Balkin a trituré la matière sonore et travaillé sur les bandes. Larry Beckett a de nouveau collaboré pour quatre textes ; l'album a épuisé, en même temps que les facultés de compréhension des critiques et du public, celles de renouvellement créatif de l'auteur qui a dû, après sa parution, faire deux ans de silence.

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